Vous connaissez le proverbe : “Il n’y a que les cons qui ne changent pas d’avis.” Alors qu’Edward Razek, directeur marketing de Limited Brands et donc de la célèbre marque de lingerie Victoria’s Secret, lâchait en novembre dernier des propos plus que problématiques à l’égard des individus transgenres, la marque a (enfin) décidé d’embaucher sa première mannequin trans.
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En fin d’année 2018, le représentant de Victoria’s Secret avait déclaré à Vogue : “Est-ce qu’on devrait inclure des transsexuels dans notre show ? Non, je ne pense pas. Pourquoi ? Parce que le show doit faire fantasmer les gens.” Une déclaration douteuse, d’autant plus qu’Edward Razek en profitait pour tenter de justifier le manque de représentation au sein des mannequins : “On cible les gens à qui on vend nos produits, on ne cherche pas à atteindre le monde entier.”
Même si ce dernier s’est excusé sur les réseaux sociaux, ses déclarations ont eu l’effet d’une bombe. Très vite, mannequins, acteurs, chanteurs et autres influenceurs célèbres se sont offusqués, incitant à boycotter Victoria’s Secret. On pense notamment à Nikita Dragun, youtubeuse transgenre, qui avait posté une vidéo vêtue de lingerie et d’ailes d’ange, item signature de la marque, prouvant qu’elle était capable “de faire fantasmer” elle aussi.
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Depuis, Victoria’s Secret semble être revenu sur sa décision puisque la première mannequin transgenre de la marque vient d’être embauchée. Une évolution très attendue, mais qui semble hypocrite au vu des récents évènements. L’élue se nomme Valentina Sampaio et est déjà reconnue dans le milieu : égérie L’Oréal, couverture des plus grands magazines de mode à l’image d’Elle et de Vogue… On sait, grâce à un post Instagram, que la jeune femme a réalisé un shooting pour Victoria’s Secret Pink.
La marque toujours dans le tumulte
Cependant, une chose est sûre : elle ne sera pas sur le prochain défilé de la marque, puisque celui-ci devrait être annulé. C’est Shanina Shaik, mannequin Victoria’s Secret de longue date, qui l’a appris au Daily Telegraph la semaine passée. L’entreprise n’a pas démenti. Ce choix pourrait s’expliquer par la perte colossale d’audience à la télévision lors du défilé de 2018, qui avait amené la marque à prendre la décision de ne plus diffuser les prochains shows à la TV.
Soit la marque a décidé de prendre le temps de s’adapter à la rupture de cette tradition vieille de 20 ans, soit elle connaît un coup dur. En tout cas, les résultats de l’année passée étaient décevants et ont pesé sur Limited Brands. Pendant longtemps, le défilé Victoria’s Secret était le fashion show le plus visionné du monde entier, avec parfois plus 1,5 milliard de téléspectateurs. Cette époque semble révolue.
Une décision qui tombe au même moment où l’implication de Victoria’s Secret dans les crimes de Jeffrey Epstein est aussi interrogée. Les Wexner, CEO de Limited Brands (filiale mère de VS), et Edward Razek comptaient l’ancien businessman accusé de trafic sexuel de mineurs parmi leurs associés. Le CEO lui aurait même offert un manoir dans l’Upper East Side, où de nombreuses victimes d’Epstein auraient été abusées.
Mais le criminel aurait aussi aidé Victoria’s Secret à “repérer” des talents, avant de les harceler. Il était présent à tous les évènements et a bénéficié d’un jet de la compagnie pour 10 millions de dollars selon l’enquête du New York Times. De son côté, Les Wexner assure qu’il ne savait rien des agissements de son associé.
En plus de cette histoire et des propos transphobes de Razek, cela fait plusieurs années que la marque est accusée de manquer de diversité et de rejeter publiquement la beauté des mannequins plus-size, ce en refusant leur apparition sur les podiums et en s’opposant à l’élargissement du panel de tailles disponibles.
Engager un mannequin transgenre est une belle avancée vers l’inclusivité, mais il reste encore du chemin à Victoria’s Secret pour rattraper les mouvements body positive lancés plusieurs années auparavant par des entreprises comme Savage x Fenty. La dictature de la beauté s’effrite.