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Paul*, qui a été scolarisé dans un collège privé jésuite pour garçons, ne se souvient pas avoir connu une cour de récréation où des préados comparaient la taille de leurs zizis après les avoir scrupuleusement mesurés avec un double décimètre. Il ne se souvient pas non plus de gamins qui briguaient la première place sur le podium du plus gros pénis de la classe. Et Paul n’aurait très certainement pas participé à cette mascarade, puisqu’il trouvait que son pénis était trop grand.
Selon celui qui est dans les dernières années de sa quarantaine, à son époque, “le sexe et la pornographie étaient beaucoup moins présents qu’actuellement. Maintenant, n’importe quel ado a accès à tout l’éventail de l’anatomie masculine sur son téléphone”.
Paul est, selon la littérature scientifique publiée, le premier homme au monde à avoir subi une opération de réduction du pénis, et le mot “subir” est plutôt inopportun, puisqu’il a précisément décidé de cette intervention, il y a cinq ans, en dehors de toute nécessité médicale et après une évaluation psychologique. Il a également accepté de répondre à mes questions.
Konbini | Pourquoi le complexe d’un gros pénis étonne davantage que celui d’un petit pénis ? Le porno et les clichés sur la virilité y sont-ils pour quelque chose ?
Paul | Je pense qu’il y a un ensemble de clichés et de stéréotypes liés à ça. Le porno n’est peut-être qu’une facette de la société “du plus beau, du plus performant”. De la même manière que pour la poitrine d’une femme. Je pense que notre société a besoin de marqueurs de performance. Ça va dans le package de “l’homme viril ; c’est Rocky, c’est Rambo”. Je pense que ces représentations ont imprégné non seulement les garçons, mais aussi les filles. Pas toutes et tous, mais une vaste majorité.
Statistiquement, la moyenne d’un pénis en érection est très loin de ce que la plupart des hommes imaginent. Je crois que c’est entre treize et quinze centimètres, quand le vent souffle dans le bon sens. Alors, forcément, statistiquement, tomber sur de gros pénis, c’est beaucoup plus rare, mais la surreprésentation des grosses verges fait croire à des personnes dans la norme qu’elles sont sous-normées.
À partir de quand avez-vous commencé à vous soucier de la taille de votre pénis et qu’est-ce qui vous dérangeait ? Était-ce esthétique, fonctionnel, lors de relations avec des partenaires ?
C’est à partir de l’adolescence, je dirais vers 14 ou 15 ans. Ce qui me dérangeait, c’était ce sentiment de disproportion entre mon corps et mon sexe. Je ne suis pas excessivement grand et, à cet âge-là, j’étais assez fluet. En grandissant, c’est toujours resté comme un bruit de fond et ça n’a jamais réellement disparu [jusqu’à l’opération, ndlr].
Je ne sais pas si on peut parler d’un complexe ni de mal-être à proprement parler, mais j’avais un sentiment de décalage. C’est quelque chose que j’ai gardé au fond de moi et ça me revenait fréquemment, d’envisager d’avoir un sexe d’une taille nettement inférieure.
Ce n’était pas fonctionnel et je ne pense pas que mes relations intimes aient réveillé ça. Ça ne posait d’ailleurs pas de problème ni dans un sens, ni dans l’autre. J’ai peut-être eu une ou deux partenaires pour qui la taille de mon pénis pouvait être une sorte d’inconfort, mais je n’étais pas hypertrophié non plus ! Je n’étais pas un Rocco Siffredi, même si mon sexe était supérieur à la moyenne.
Combien mesurait votre pénis avant et après l’opération ?
J’étais aux alentours de vingt centimètres en érection. Ce qui n’est, somme toute, pas banal mais pas non plus démesuré par rapport aux étalons qu’on voit dans les films spécialisés [pornos, ndlr]. Maintenant, c’est entre sept et huit centimètres en érection.
Comment avez-vous découvert qu’une opération de réduction pénienne était possible ?
De manière régulière, je faisais des recherches sur Internet. Dès qu’il y a eu Google, j’ai tapé “réduction taille pénis” aussi bien en français et en anglais et, pendant longtemps, ça ne donnait pas de résultats. Rien de rien. Mais, un jour, en 2015, je suis tombé sur cette réduction qui avait eu lieu en Floride. J’ai envoyé un mail au praticien mais il ne m’a jamais répondu. J’en ai ensuite parlé à un ami de longue date, médecin, qui m’a conseillé de contacter “une pointure au CHU de Liège”. Je l’ai contacté et, de fil en aiguille, les choses se sont enclenchées.
Cette opération n’avait jamais été réalisée auparavant, ni par cet urologue spécialisé dans la chirurgie de la verge ni par personne. Est-ce correct ?
Il n’avait pas pratiqué de réduction à proprement parler, mais il avait procédé à des redressements de verges qui, de manière purement mécanique, aboutissaient à une légère réduction de la taille. Quelque part, d’un point de vue technique, il avait pratiqué un ensemble d’opérations qui pouvaient aboutir au résultat que j’escomptais et il ne restait plus qu’à le mettre en pratique.
C’est vrai que c’était une première médicale car l’opération aux États-Unis portait plus sur la largeur que la longueur [le sexe du patient mesurait dix-huit centimètres de longueur au repos et avait une circonférence de vingt-cinq centimètres. Son pénis présentait pour lui un réel handicap, ndlr].
N’avez-vous pas eu peur de vous lancer ? Quels étaient les risques ?
Déjà, le fait que ce genre d’opération puisse se réaliser, c’était une espèce de lumière au bout du tunnel. Je ne dis pas que ma vie, ni ma vie sexuelle, était un calvaire, loin de là, mais c’était un poids intérieur qui se rappelait à mon bon souvenir de manière fréquente.
Lorsque j’ai rencontré l’urologue, j’ai ressenti une sensation assez agréable. Plutôt qu’un soulagement, c’était même une libération. Les risques étaient que ça foire complètement, plus d’érection, voire pire. Mais j’ai une confiance raisonnée en la médecine moderne et les actes pratiqués sur moi l’avaient déjà été, séparément, sur d’autres patients.
Comment s’est passée l’opération ?
J’avais le choix entre une anesthésie générale ou une rachianesthésie et j’ai choisi la seconde. C’est un peu comme une péridurale. Je n’ai pas eu d’appréhension ni de stress. Ensuite, le chirurgien a pratiqué un “degloving” [incision à la base du gland pour dérouler le fourreau pénien] et ensuite une résection longitudinale d’une bande d’albuginée. C’est une membrane élastique autour de laquelle il y a le fourreau cutané de la verge. On fait tomber le fourreau, comme une chaussette, on réduit la circonférence de l’albuginée, on coupe une bande de la membrane et on recoud.
Ça, c’est pour la partie “réduction de la largeur de la verge”, comme pour l’opération en Floride. Pour la réduction de la longueur, quatre fils en nylon ont été posés le long de l’albuginée, de haut en bas, et dont le but est de limiter l’extension en cas d’érection. Les fils sont super résistants et ils restent. Après, on “reglove” et on recoud le fourreau cutané !
Ma convalescence a duré quelques semaines et c’était douloureux, un peu comme une entorse. C’est passé par la suite et, aujourd’hui, ce n’est plus du tout douloureux. Vu la première mondiale dont il s’agissait, l’intervention a été filmée pour faire un documentaire scientifique. Je l’ai regardé, c’était très bizarre et c’était assez sanguinolent.
Votre pénis est-il aussi fonctionnel qu’avant l’opération ? D’ailleurs, est-elle réversible ?
En ce qui concerne la “fonctionnalité” de la verge, je la trouve même accrue. Mais il va de soi que ce n’était pas gagné d’avance. [Pour la réversibilité, Paul m’a renvoyée vers son chirurgien, qui m’a confirmé que l’opération devait être considérée comme irréversible Aussi, selon ses conseils, je vous renvoie ici à la vidéo de l’opération mais attention, âmes sensibles, s’abstenir – vraiment, ndlr].
Si c’était à refaire, vous le referiez sans hésiter ? Et vous en parlez à vos partenaires ?
Oui, ça, c’est clair. Je me sens nettement mieux dans ma peau. Je n’en parle pas spécialement à mes partenaires. Une fois de plus, il y a toujours le risque du jugement et qu’elles puissent se dire “ce mec est complètement cinglé, il faut vraiment être taré pour en arriver là”.
Pourquoi avez-vous accepté de témoigner ? C’est important pour vous de le faire ?
Je pense que je ne dois pas être le seul dans ce cas et je pense qu’il y a des gens pour qui, contrairement à moi, c’est une vraie souffrance. Je pense que la libération de la parole est très importante.
*Prénom et informations personnelles anonymisés à sa demande.