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Le cool à la japonaise : voici la folle histoire intemporelle de la marque Bape

Le cool à la japonaise : voici la folle histoire intemporelle de la marque Bape

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(©Facebook/”A Bathing Ape”)

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Par Hong-Kyung Kang

Publié le

Bape a 28 ans : retour sur une marque incontournable du streetwear, aussi représentative de l’époque actuelle que visionnaire.

Bape, l’iconique griffe de streetwear japonaise, a soufflé sa 28e bougie. La marque au singe a marqué l’histoire de la mode avec ses visuels précurseurs et son univers pop nippon identifiable, qui s’est formalisé parmi les aficionados de style. Adoptée par de nombreuses personnalités importantes telles que Kanye West ou Pharrell Williams, Bape jouit aujourd’hui d’un statut culte dans la culture urbaine.


A Bathing Ape est aujourd’hui une référence incontournable de la mode. Grâce au génie visionnaire de son créateur, l’illustre Nigo, la marque a révolutionné l’esthétique de son époque en représentant à la perfection une nouvelle génération qui rencontrait de plus en plus de difficultés à être comprise par les plus anciens.
Porter du Bape, c’est s’affirmer dans une culture aussi futuriste que dans l’air du temps, à la fois japonaise par essence et universelle par sa portée.

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Nigo, un créatif qui a toujours baigné dans la culture urbaine 

Dès son adolescence, Tomoaki Nagao, alias Nigo, se passionne pour le hip-hop et commence notamment à pratiquer le DJing à 16 ans. Après le lycée, le jeune homme quitte Maebashi, sa province natale, et part à Tokyo suivre des études de mode dans le quartier branché de Shinjuku. Nigo semble alors déjà à contre-courant : il affirmera plus tard n’avoir absolument rien appris à l’école.


Au terme de son cursus, le jeune homme devient éditeur et styliste pour Popeye, un magazine de mode japonais très branché. En 1993, Nigo décide de quitter son travail et s’allie avec son ami Jun Takahashi (qui n’est autre que le futur fondateur de la marque Undercover), pour lancer sa première boutique de vêtements, Nowhere, dans le quartier de Harajuku.
C’est à ce moment-là que Nigo lance sa première marque de vêtements, qu’il nomme A Bathing Ape, communément raccourcie en “Bape”. Le nom fait référence aux singes qui se baignent dans les sources chaudes du pays du Soleil-Levant : allégorie de la jeunesse japonaise qui aime mener une existence chill. Quant au logo, il est inspiré de La Planète des singes, film qui a grandement marqué Nigo.

Une stratégie innovante dans le monde de la mode

Aux débuts de la marque, le jeune créateur ne fait produire que quarante à cinquante T-shirts par semaine. Parmi ces exemplaires, Nigo en destine seulement la moitié à la vente et distribue le reste à ses amis également créateurs de mode. Bape, alors porté par les jeunes les plus stylés de Tokyo, rencontre rapidement un succès fulgurant auprès du reste de la jeune population.
C’est à ce moment-là que Nigo prend la décision la plus importante de sa carrière : alors que les items de Bape sont distribués dans une quarantaine de boutiques, Tomoaki Nagao annule tous ses contrats de revente afin de se focaliser sur un seul magasin : le Bape store qu’il ouvre à Tokyo.


Un pari extrêmement risqué que Nigo remporte haut la main : le Bape store devient un lieu incontournable de tous les aficionados de la mode et les ventes explosent. Très exclusifs et difficiles à se procurer, les vêtements de la marque au singe deviennent le symbole de la jeunesse japonaise cool et branchée et Bape s’impose comme une référence de la culture urbaine nippone.
En jouant la carte de la rareté, Nigo a réussi à faire décupler la demande. Une stratégie audacieuse et pionnière, que d’autres marques de streetwear reproduiront par la suite, à l’image de Supreme.

Bape adopté par les plus influents de l’autre côté du Pacifique

Alors que la marque a pignon sur rue, sa renommée dépasse bientôt les frontières de l’archipel japonais. On est dans les années 2000 quand de nombreux rappeurs américains commencent à arborer fièrement le fameux singe de Bape. L’univers pop et coloré de la marque, ainsi que son identité fondamentalement japonaise, séduisent les plus influents de l’autre côté du Pacifique.


L’influence de Bape s’étend alors que le public américain voit ses artistes favoris habillés de l’iconique motif camouflage, signature de Nigo. Pharrell Williams, en particulier, séduit par les créations du designer japonais, se lie d’amitié avec ce dernier et se met à représenter Bape en s’habillant presque exclusivement avec des vêtements de la marque. Les deux hommes s’entendent si bien qu’ils créent Billionaire Boys Club, une marque de prêt-à-porter dont l’univers se rapproche beaucoup de celui de Bape.

Des pièces de streetwear iconiques et incontournables

Bape impose plusieurs pièces dans la garde-robe des passionnés de mode. Premièrement, le motif camouflage : inspiré du monogramme de Louis Vuitton, Nigo l’a créé afin que les items de sa marque soient reconnaissables au premier coup d’œil. Composant essentiel de l’identité visuelle de la marque, le fameux camo Bape est aujourd’hui identifié comme un motif incontournable du streetwear.


Une des pièces les plus iconiques du vestiaire de la marque est évidemment le shark hoodie. Un pull dont la capuche est ornée d’un motif de requin, dessiné d’une manière assez simpliste mais terriblement originale. Le sweat-shirt présente en outre une drôle de particularité : sa fermeture remontre jusqu’à tout en haut de la capuche. Dans les années 2000, ce design osé rencontre un succès terrible.

Du côté du footwear, les fans de sneakers ne sont pas en reste. La marque de Nigo lance la Bapesta, une basket fortement inspirée de la Air Force 1 de Nike, habillée des motifs et couleurs extravagants typiques de Bape. Aux pieds des personnalités les plus stylées, la Bapesta, qui fête donc en ce moment ses 20 ans, s’impose comme une évidence pour tous les fans de mode urbaine.

Un véritable art de vivre à la Bape

© Jean Snow

Une marque victime de son succès

Cependant, vers la fin des années 2000, la marque japonaise amorce un inexorable déclin. Endetté à hauteur de 23 millions de dollars en 2009, Bape s’engage dans un avenir plus qu’incertain.
Plusieurs facteurs permettent d’expliquer ce phénomène. Premièrement, les lubies de Nigo et son ambition démesurée et irréaliste ont plongé sa marque dans un gouffre financier. Cafés, restaurants, galeries d’art… L’expansion de Bape s’est réalisée trop rapidement, et les retours sur les investissements n’ont largement pas été suffisants.
Deuxièmement, la marque perdait peu à peu sa cote auprès des amateurs de mode. Alors que de plus en plus de personnes portaient du Bape, beaucoup se sont désintéressés de cette marque qui devenait trop mainstream.
En 2011, Nigo revend Bape au groupe I.T pour la somme de deux millions de dollars. Cette transaction est un véritable coup de marteau, enfonçant le dernier clou dans les planches du cercueil de la marque.

Un retour sur le devant de la scène

Cependant, l’âme de Bape n’est pas morte pour autant. Vers le milieu des années 2010, alors que le succès du streetwear devient plus énorme que jamais, la marque japonaise fait un retour fracassant sur le devant de la scène. Les artistes, les influenceurs et le public renouent avec les designs de Nigo, et A Bathing Ape sonne de nouveau comme un nom stylé.
Beaucoup de rappeurs recommencent à arborer avec fierté l’iconique motif camouflage de Bape et ne cachent pas leur amour pour la marque au singe. On pense notamment au rappeur coréen Keith Ape, notamment connu pour son morceau “It G Ma”. Dans le clip de la chanson, on voit le jeune artiste habillé quasiment exclusivement en Bape.

Un amour du camo qui s’exprime également du côté des rappeurs français. Kekra a poussé le délire jusqu’au bout en tournant le clip de son morceau “Wing Chun” dans le musée de Bape à Tokyo.

Plusieurs rappeurs américains recommencent en outre à représenter la marque, et la crédibilité de celle-ci dans le monde du hip-hop est restaurée.


Bape se remet à séduire, et plaît autant aux jeunes qui la découvrent qu’aux anciens qui constatent avec enthousiasme son renouveau. La marque semble retrouver ses lettres de noblesse d’antan.

Un avenir déjà compromis ?

Cependant, si la cote de Bape a de nouveau augmenté dernièrement, la marque semble peiner à retrouver une stratégie stable. Les fans lui reprochent notamment de multiplier les collaborations inutiles. En s’alliant avec des entités aussi différentes les unes que les autres telles que Heineken, le PSG, Marvel, Naruto ou encore Barbie, le branding de Bape perd en cohérence et l’identité de la marque devient moins définie.



Enfin, le dernier coup dur pour A Bathing Ape vient de Nigo lui-même. En septembre dernier, lors d’une interview qu’il a donnée pour Complex en compagnie du rappeur Kid Cudi (qui a été vendeur pour la marque), le designer japonais a annoncé qu’il ne comprenait pas l’intérêt que le public portait toujours à Bape.

Nigo a ajouté qu’il se consacrait désormais entièrement à sa nouvelle marque, Human Made. Dénigrée par son créateur même et en perte d’identité, la hype de A Bathing Ape ne semble donc pas taillée pour perdurer.
Cependant, même si Bape tombe de nouveau dans l’oubli du grand public un jour, cela n’enlèvera rien à son héritage dans le monde du streetwear. Grâce à son univers très marqué, A Bathing Ape a fidélisé à jamais des adeptes du lifestyle de la jeunesse branchée japonaise, et l’héritage que nous a laissé Nigo est impérissable.
Article publié le 20 mars 2020, mis à jour le 1er avril 2021