“Se faire sucer, c’est pas tromper”, a prophétisé un jour un grand philosophe du nom de Damso. On est clairement un peu moins sûr que lui – mais est-ce que matcher, swiper comme un fou ou un faux timide sur les applis de rencontre, c’est déjà tromper ?
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Il fut un temps que les moins de 35 ans ne peuvent pas connaître, où les rencontres se passaient exclusivement dans la vie réelle. Au travail, dans la rue, au bar ou dans un quelconque lieu physique. Mais l’avènement des smartphones et d’Internet a changé la donne : les frontières de la tromperie sont devenues floues, ambiguës, parfois même étranges.
Tinder et consorts ont créé des magasins de la consommation amoureuse et sexuelle qui nous interrogent : est-ce qu’un swipe, un match, créant cette fameuse décharge de dopamine et ce petit shot de plaisir à l’ego, c’est déjà être dans une démarche de tromperie physique ?
“Si t’as pas marqué de but, ça compte pas”
Pour avoir la réponse à cette question ô combien essentielle, qui a déchaîné les passions au sein de la rédaction, nous avons commencé par une petite enquête sociologique (non) sur le groupe Wanted Community en postant simplement le message : “Est-ce que matcher, c’est tromper ?”
Florilège : “C’est comme aller à la boulangerie avec une baguette de pain”, “Si t’as pas marqué de but, ça compte pas”, “Si t’es moche, les probabilités de matcher sont faibles, donc c’est pas tromper”, “Je profite de cette trend pour dire que je suis célibataire et…” Un joyeux bordel, qui a visiblement fait marcher les méninges humoristiques de nombreuses personnes.
En moins d’une heure, nous avions reçu plus d’une centaine de réponses. Et parmi les précédentes joyeusetés, quelques commentaires plus construits. “Un soir on était en train de regarder un film au lit, et elle a reçu une notification, du coup j’ai remarqué que c’était pas n’importe quelle notification : c’était Tinder”, commence Jérémy*, avec qui nous discutons un moment en messages privés. Âgé de 28 ans, il m’explique que sa copine et lui vivait le “Covid love” : toute l’année écoulée, leur relation s’était renforcée du fait de la situation sanitaire et de ce qui en découle.
Pourtant, ce soir de couvre-feu, vers 2 heures du matin, il découvre les échanges et messages de sa conjointe avec d’autres personnes. Des numéros échangés, des propositions de se rencontrer. Elle lui assure que “c’est que du virtuel” et que “vu que je travaille toute la journée, elle a envie de parler”. Elle explique que c’est pour se faire des amis, puis refuse de montrer son téléphone, affirme-t-il. Jérémy prend ses affaires et décampe, “le cœur brisé”. “Dans sa version, elle ne m’a jamais trompé et je suis borné et pas très ouvert”, conclut-il.
Contrat de confiance numérique
Sur la centaine de messages reçus sur Wanted, la plupart affirment sans détour : matcher, c’est tromper. Avoir une appli de rencontre sur son mobile, c’est déjà tromper. Mais Cathline Smoos, sexologue, n’est pas tout à fait d’accord :
“Si l’on prend le match comme le simple fait que l’on peut se plaire avec l’autre, ce n’est pas tromper. On se plaît, ça peut nous arriver dans la vie de tous les jours. C’est le mensonge qui commence quand on ne verbalise pas à l’autre que l’on est dans la recherche d’un autre partenaire ou que l’on a ces applis.”
Le simple fait d’avoir ses applis en soi, selon elle, n’est pas gage de tromperie. Avoir ce type d’application tout en étant en couple peut s’expliquer par plusieurs raisons : elles peuvent être un moyen de créer un nouveau cercle social, par exemple si l’on est dans une nouvelle ville.
Mais surtout, garder ce type d’appli en étant en couple, c’est continuer à avoir besoin de ce shot d’ego propre aux applications de rencontre : cette “validation” physique, cette décharge de dopamine que l’on a en ayant un match, cette envie de savoir si l’on plaît encore. “On voit des corps qui plaisent ou pas, on se compare, on juge. C’est une illusion de choix et forcément, c’est facile”, continue Cathline Smoos.
Ces applis donnent aussi l’illusion du choix perpétuel. L’illusion du match parfait qui va se transformer en âme sœur. Comme une porte que l’on a envie de laisser ouverte, même si l’on est en couple. Est-ce de l’adultère ? Non. C’est, en revanche, à partir du moment où le partenaire ne le sait pas, un mensonge : “Dès le départ, il faut poser les limites dans le couple, ce que les gens ne font pas. Il faut dire ses attentes et ses limites, ce sont des discussions que l’on n’a pas assez”, conclut Cathline Smoos.
Si vous utilisez les applis de rencontre (ou votre Switch) pour pécho, écrivez-nous à : hellokonbinitechno@konbini.com