À l’occasion de l’événement Bpifrance Inno Generation (c’est gratuit, et c’est ici) qui aura lieu le jeudi 1er octobre, nous avons discuté avec Cyril Chiche, cofondateur et patron du service de Lydia, l’archi célèbre appli de paiements entre particuliers.
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Pour des raisons de clarté, l’interview a été éditée.
Konbini Techno | En termes d’utilisateurs, où en êtes-vous aujourd’hui ?
Cyril Chiche | Nous avons 4 millions d’utilisateurs en France. Mois après mois, on continue à battre notre record d’inscriptions, avec à peu près 5 000 nouveaux utilisateurs chaque jour.
Quel âge ont ceux qui “font des Lydia” ?
Un tiers des 18-30 ans en France ont un compte Lydia. La partie qui connaît la plus forte croissance, ce sont les 25-30 ans.
D’ailleurs, d’où vient l’expression “faire un Lydia” ?
Ce n’est pas un gimmick marketing qu’on a inventé. Fin 2015, je suis invité à parler à Paris-Dauphine. J’entre dans le hall et j’entends deux jeunes qui disent “Je te fais un Lydia”, comme ils auraient dit : “Tu n’aurais pas un Kleenex ?” J’arrête l’étudiant et lui demande : “Qu’est-ce que t’as dit, là ?” Lui et son groupe se sont approprié Lydia comme un nom commun. En interne, on disait : “Je t’envoie de l’argent” ou “envoie-moi mes 5 euros”.
Ça aurait pu être du féminin, on aurait pu dire “Je te fais une Lydia”, mais le meilleur moyen de le dire, c’est celui qu’utilisent les gens, c’est le plus naturel.
Les deux cofondateurs de Lydia. Cyril Chiche présentement interviewé est à droite. À gauche, Antoine Porte, chef de produit. (© Document remis)
D’où arrivent-ils, tous ces nouveaux utilisateurs ?
On n’a quasiment jamais fait de publicité ! Seulement deux pubs dans le métro en 2018… Et encore, elles n’ont cartonné qu’auprès de ceux qui connaissaient déjà le service car les nouveaux ne comprenaient pas le concept. Tout passe par le bouche-à-oreille. La parole des proches, c’est plus important que tout. Avec Lydia, il y a aussi un “effet de réseau par nature” : plus il y a d’utilisateurs, plus le service acquiert de la valeur.
La seule pub Lydia qui a été dans le métro. Effectivement, ceux qui ne connaissent pas Lydia n’ont pas dû capter ce que c’était. (© Document remis)
Depuis le lancement de Lydia en 2011, vous avez considérablement diversifié vos activités. Où en êtes-vous ?
Les échanges en particulier restent très importants et représentent encore 40 % de notre activité. Ils sont encore sur la homepage, ce qui montre bien d’où on vient. Mais on est en train d’évoluer vers une app de type compte courant et services financiers. On veut devenir une “super-app” de l’argent.
Pour tous les paiements du quotidien, c’est déjà fait, on a réussi. Next step : permettre aux utilisateurs de faire ce qu’ils font avec leurs banques : virements bancaires, prêts, assurances, épargne, etc. En ce moment, ce qui connaît la plus forte croissance, c’est le paiement sans contact mobile et le paiement avec des cartes Lydia.
Est-ce que Lydia est rentable ?
Non, si c’était rentable, je ne suis pas sûr qu’on continuerait à faire des levées de fonds… On a un objectif rentabilité pour fin 2021. Le plus intéressant financièrement pour nous, ce sont les services payants, comme les abonnements ou les cartes. On cherche à développer en priorité Lydia Premium.
Oui, on peut faire autre chose que du paiement entre amis sur Lydia. (© Lydia)
Étant donné que vous êtes les avatars de la dématérialisation, quel a été l’impact du coronavirus en ces temps de distanciation sociale ?
On a d’abord été frappés de plein fouet par le confinement. Le nombre de transactions a diminué de 60 % et le nombre de nouveaux comptes créés chaque jour a baissé de 30 %. Mais le panier moyen a augmenté, grimpant au-dessus des 50 euros.
Après le déconfinement, c’est une tout autre histoire. Au mois de juin, on a réalisé le meilleur mois de l’histoire de Lydia en nombre de transactions. Au mois de juillet, +10 %, et des très bons résultats en août aussi.
Le confinement a fait basculer un certain nombre de personnes dans le paiement mobile. Mes oncles et tantes, par exemple, qui ont plus de 70 ans, ont des petits-enfants dont c’était l’anniversaire, donc ils m’ont appelé pour que je leur explique comment faire un Lydia. Des nouveaux usages sont en train de s’ancrer profondément…
Votre principal concurrent en France, c’est PayPal. Il vous fait peur ?
PayPal est à la fois un modèle, un concurrent et une idole. On est admiratifs de la boîte. Elle vaut plus cher que toutes les banques françaises réunies. Quand des nouveaux salariés arrivent chez Lydia, on leur demande de lire The PayPal Wars d’Erick M. Jackson pour qu’ils s’imprègnent de leur histoire.
On n’est pas vraiment concurrents, PayPal n’entrave pas notre croissance et vice-versa, on ne se tape pas beaucoup dessus. Notre vraie concurrence à tous les deux, c’est les habitudes des gens.
LE polar que les employés de Lydia se refourguent sous le manteau.
Depuis janvier 2020, un mastodonte chinois est venu dans votre capital : Tencent. Est-ce que ça change quelque chose dans votre quotidien ?
Avoir un investisseur chinois dans son capital, ça fait du bien. Ce sont eux, en termes de paiement mobile, les plus avancés au monde. Ils gèrent plus d’un milliard de transactions par jour. Donc pouvoir interagir avec eux, c’est très intéressant. Ils sont très bons pour nous aider à absorber la croissance, pour s’étendre à l’international, nous aiguiller sur l’utilisation des serveurs, lutter contre la fraude, etc.
À propos de fraude, que dites-vous aux dealers qui utilisent Lydia ?
Le deal fait partie des usages interdits de l’application. On a des outils pour lutter contre ce type de transaction, avec des mesures spécifiques : on fait tout pour les bannir avec un reporting auprès des autorités. Est-ce qu’on les voit toutes, ces transactions ? Non, parce que c’est difficile.
Et très franchement, si j’étais dealer, je n’utiliserais pas Lydia. Si j’étais client, je ne ferais pas non plus ce genre de connerie. J’utiliserais le cash, instinctivement. Il vaut mieux se compliquer la vie quand on est criminel.
Comment allez-vous utiliser l’intelligence artificielle ?
Pour améliorer la lutte contre la fraude, le service client (on reçoit quelques milliers de messages par jour) et tout ce qui est “Personnal Finance Management” (PFM). On l’a utilisée au début pour analyser les différents types de transactions faites avant le confinement. On a constaté, par exemple, que les Parisiens avaient beaucoup dépensé en péages et en essence !
L’IA pourrait aussi nous servir pour des idées de business qui n’existent pas : on sait que dans l’attribution des crédits aux jeunes, on pourrait peut-être y travailler.
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