Voici Quantonation, le tout premier fonds d’investissement dans la tech quantique

Voici Quantonation, le tout premier fonds d’investissement dans la tech quantique

Rencontre avec Christophe Jurczak qui nous explique les enjeux de l'informatique du futur.

L’ordinateur quantique, c’est pour bientôt. Mais en même temps, pas tellement. Christophe Jurczak, qui a co-créé Quantonation, le premier fonds d’investissement au monde destiné uniquement à ce pan de la physique, nous en dit plus.

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Pour les noobs de la physique quantique, les débutants en intrication et les laissés pour compte du machine learning, voici déjà une petite illustration pour vous mettre sur les rails.

© IBM

Konbini | Pouvez-vous décrire l’ordinateur quantique en quelques mots ?

Christophe Jurczak | Comme on peut le voir sur l’illustration, l’ordinateur quantique ne fonctionne pas avec des bits normaux. Il fonctionne avec des qubits, des bits quantiques : c’est la plus petite unité de stockage d’information quantique.

Là où un smartphone va fonctionner de manière séquentielle, c’est-à-dire en envoyant des suites de bits (1 et 0), l’ordinateur quantique va calculer plusieurs valeurs en parallèle. On parle alors de superposition ou d’intrication quantique. L’avantage, c’est que le nombre de calculs effectués en simultané peut devenir gigantesque, car il est exponentiel. C’est pour cela que l’ordinateur quantique va révolutionner notre façon de faire les choses.

Les applications de la physique quantique auront-elles un impact sur notre vie quotidienne ?

Il n’y aura pas d’impact immédiat sur les gens, sur notre façon de vivre. La puissance de calcul de l’ordinateur quantique va être utilisée, dans un premier temps, dans des logiques industrielles.

J’utilise souvent un exemple simple pour démontrer son intérêt, celui des molécules. Aujourd’hui, en pharmacie, nous connaissons environ 150 000 protéines. Une protéine est construite avec 50 acides-aminés différents. Nous connaissons la technique scientifique derrière la fabrication de ces protéines, mais le problème, c’est que nous n’avons pas les moyens d’en créer suffisamment pour trouver celles qui ont un véritable intérêt.

Avec sa puissance de calcul, l’ordinateur quantique pourrait les trouver de façon extrêmement rapide. Là où ça prendrait des centaines d’années avec des calculs basiques. Dans les faits, cela signifie de meilleures thérapies pour des maladies comme Alzheimer, par exemple.

Pourquoi avez-vous choisi d’investir dans la physique quantique ?

On a décidé d’investir dans ce milieu tout simplement parce que le marché émerge un peu partout. Nous sommes le premier fonds d’investissement au monde uniquement dédié à la physique quantique. Cette science commence peu à peu à sortir des labos pour arriver dans la phase d’ingénierie. On pourra bientôt parler de produits finis.

Aujourd’hui, nous avons investi dans cinq start-ups différentes, toutes spécialisées dans des secteurs différents de la physique quantique. L’important, pour Quantonation, c’était d’être présent un peu partout dans ces secteurs.

En termes d’investissement, il faut s’accrocher ! Cela représente peut-être une dizaine d’années. Mais la deep tech, c’est toujours comme ça. On ne peut pas prévoir ce qui se passera demain.

Dans quelles start-up avez-vous choisi d’investir ?

Nous avons aujourd’hui investi dans cinq start-ups. Il y a un sixième contrat en cours de finalisation. Le but pour nous était de toucher un peu à tous les secteurs de la physique quantique.

La première est un start-up française, LightOn. Elle développe des co-processeurs optiques. Nous avons aussi une start-up canadienne. Celle-ci cherche des algorithmes pour améliorer le fonctionnement des qubits. Il y aussi Pasqal, une belle start-up française. Son but est de développer un ordinateur quantique en utilisant des atomes refroidis, qui interagissent avec de la technologie laser. Enfin, nous avons investi dans une start-up anglaise, KETS, spécialisée dans la sécurité quantique.

A propos de sécurité quantique… L’informatique quantique va-t-il faire voler en éclat la cybersécurité traditionnelle ?

Oui, mais il faut relativiser. Effectivement, l’ordinateur quantique aura la puissance de calcul nécessaire pour casser des codes encryptés. Mais l’algorithme qui permet de “casser le code” utilisé par nos appareils, nécessite une machine de grande dimension : de 5 000 à 6 000 qubits. Aujourd’hui, nous ne savons pas fabriquer une telle machine. On pense que cela arrivera d’ici une dizaine d’années. Mais le problème, c’est que lorsque cette machine sera construite, si nous ne sommes pas protégés, il y aura une vraie menace. Pour faire simple, tout sera ouvert.

Google a affirmé, il y a quelques jours, avoir atteint la suprématie quantique. Que pensez-vous de cette annonce ?

A vrai dire, on s’y attendait. Google a réussi à prouver que l’ordinateur quantique fonctionnait comme on le pensait. Ils ont créé un problème très spécifique, et, là où un ordinateur normal aurait mis des années à réaliser les calculs, ils ont eu un résultat.

Mais pour moi, ça ne s’arrête pas là. Le problème qu’ils ont résolu a été créé spécifiquement pour être adapté aux avantages du quantique. On peut parler d’un cas d’école, un problème très académique. Je vais essayer de faire simple : on parle, comme je le disais précédemment, d’intrication, de superposition de calcul. L’algorithme utilisé par Google pour résoudre son problème exploite au maximum l’intrication. Le souci, c’est que les algorithmes que l’on utilisera en pharmacie, ou encore en chimie par exemple, n’utilisent pas autant ce phénomène d’intrication. C’est donc bien plus complexe. Mais tout de même : ce qu’a fait Google était du jamais vu.

Aujourd’hui, l’enjeu est donc de pouvoir étendre cette capacité à ces secteurs. Cela devrait être possible dans une dizaine d’années !

L’interview a été réalisée en vue de l’événement Bpifrance Inno Génération 2019 où Christophe Jurczak sera présent. Il aura lieu le jeudi 10 octobre à l’AccorHotels Arena Paris. Il s’agit d’un des plus grands rassemblements business d’Europe, où sont attendus créateurs d’entreprises, startuppers, TPE, PME, ETI, grands groupes, chercheurs et étudiants. Pour s’inscrire, c’est ici et c’est gratuit.