Des restes qui servent de matière première énergétique et agricole : Moulinot, une entreprise de l’économie sociale et solidaire de la banlieue parisienne, recycle des déchets de la restauration pour fabriquer du gaz et du compost. La collecte est réalisée grâce à une grosse trentaine de camions roulant au gaz naturel (GNV) ou au bioéthanol, qui acheminent des épluchures et des repas non finis d’environ 1 600 restaurants de la région parisienne vers le site de l’entreprise à Stains (Seine-Saint-Denis).
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Il faut ensuite “écarter les erreurs de tri, la fourchette, la charlotte de cuisine, le Tetra Pak qui est oublié” grâce à un déconditionneur équipé d’une trémie de récupération de la matière organique, explique le fondateur Stephan Martinez, lui-même un ancien restaurateur, qui s’est lancé dans le recyclage il y a huit ans. Parmi les établissements avec lesquels Moulinot travaille, “celui duquel nous sommes le plus fiers, c’est l’Élysée”, avec de nombreux restaurants indépendants et de grandes enseignes de la restauration scolaire et hospitalière, énumère M. Martinez.
Pour 20 % de son activité, l’entreprise a aussi des partenariats avec des collectivités et l’agence métropolitaine des déchets ménagers d’Île-de-France, le Syctom. “Depuis deux ans, on travaille avec Moulinot qui retraite tous les déchets alimentaires. On a une collecte qui est organisée une fois par semaine”, rapporte Damien Boudier, le chef du restaurant Bissac dans le centre de Paris. Ça coûte “17 euros la collecte par semaine”, explique le restaurateur qui trouve que c’est “minime par rapport à la quantité de déchets que ça représente”. Pour le chef cuisinier, “si on met ça en moins dans les déchets ménagers, c’est un petit pas pour l’humanité et un grand geste pour l’homme”.
Covid-19, coup d’arrêt
Moulinot profite de l’évolution de la législation qui oblige depuis 2012 les professionnels produisant plus de 120 tonnes de biodéchets à les faire valoriser, un seuil qui a été abaissé à 10 tonnes en 2016. Mieux, la généralisation du tri à la source des biodéchets, y compris chez les particuliers, est prévue pour 2025. Une fois triés et filtrés, les restes alimentaires sont chauffés et filtrés pour obtenir une “soupe” organique chargée dans des camions-citernes qui livrent cinq agriculteurs partenaires en Seine-et-Marne et qui l’utilisent dans des méthaniseurs.
“Ils vont en faire du gaz pour une partie, et pour l’autre, ça va partir sur une plateforme de lombricompostage où on va en faire du compost pour nourrir les sols”, détaille M. Martinez. En 2013, il a démarré son activité par une opération pilote soutenue notamment par l’agence de la transition écologique Ademe et le Syctom, et grâce à un financement de l’association France Active qui finance des projets dans l’économie sociale et solidaire (ESS). France Active indique avoir investi 1,3 million d’euros dans Moulinot, qui lui a également permis de lever 1,1 million d’euros via un fonds commun de placement de Mirova, soit 2,4 millions au total.
Le développement rapide de l’entreprise s’est toutefois brutalement arrêté avec l’irruption de l’épidémie de Covid-19, qui a entraîné la fermeture des restaurants, tarissant la source de matière première pour le recyclage. Le volume de déchets traités durant le premier confinement du printemps 2020 a été réduit de 92 % mais le chômage partiel et un prêt garanti par l’État d’un million d’euros ont permis à l’entreprise, qui avait en réserve une levée de fonds de 4 millions d’euros réalisée en 2018, de tenir, alors que son activité n’a retrouvé son niveau d’avant-crise qu’en septembre.
La crise sanitaire “nous a permis de sortir un peu la tête du guidon et de se dire qu’on a un vrai savoir-faire” pour amener des solutions de recyclage aux territoires, selon le président de Moulinot qui va ouvrir prochainement un nouveau site à Réau, en Seine-et-Marne, avec les agriculteurs partenaires, et projette d’en ouvrir un autre à Bordeaux.
Konbini avec AFP