Ce qu’on a appris sur nos bides en matant Le ventre, notre deuxième cerveau

Ce qu’on a appris sur nos bides en matant Le ventre, notre deuxième cerveau

Saviez-vous que "l’organe du bas" abritait autant de neurones que le cortex d’un chien ? Nous, non.

Drôle de voyage. Avec Le Ventre, notre deuxième cerveau, la réalisatrice Cécile Denjean nous entraîne du côté de cette bien étrange machine qu’est le tube digestif. Et lève le voile sur ses secrets. À l’appui d’images de synthèse comme d’interventions pédagogiques expertes (une quinzaine de médecins, universitaires…), le documentaire entend présenter nos entrailles pour ce qu’elles sont : un “deuxième cerveau”.

Un dédale de muqueuses peuplé d’une foule de neurones et bactéries qui pourraient bien influencer nos humeurs – voire dicter nos comportements. Et dont l’étude médicale ouvre la voie à plusieurs pistes thérapeutiques révolutionnaires. Rien que ça. Voilà les 5 infos qu’on a retenues de cette enquête audiovisuelle en terre intestinale. Attention, on prévient : vous ne regarderez plus jamais votre bide pareil. C’est parti !

1. L’équivalent en neurones du cortex d’un animal de compagnie

Michael Gershon, actuel président du département d’anatomie de l’université de Columbia – et “Léonard de Vinci des entrailles” autoproclamé – l’a dit, répété, martelé : le ventre est un “organe intelligent”. Pour cause, ses parois sont tapissées par quelque 200 millions de neurones. Autant que dans le cortex d’un chat, ou d’un chien. La raison d’une telle mobilisation côté digestion ? Cette opération “est incroyablement compliquée, […] il faut décomposer la nourriture en minuscules molécules que l’organisme peut absorber pour fonctionner. C’est pour cela que le ventre a besoin d’une telle puissance nerveuse”, explique l’expert.

2. Le ventre, notre cerveau “originel”

Enfin, c’est ce qu’avancent certains intervenants du docu. Selon eux, le système nerveux entérique (pilote du système digestif) aurait la primauté sur le système nerveux dit “central” – celui du cortex. Après tout, du point de vue de l’évolution, les organismes primitifs pluricellulaires étaient simplement composés… d’un tube digestif. Le cerveau “du haut” se serait développé ultérieurement. Au fil des millénaires, et avec un coup de boost lors de la domestication du feu.

La cuisson facilitant notre digestion, l’énergie économisée par le système nerveux entérique aurait été investie, du point de vue anatomique, vers le cortex. Lequel aurait alors muté sur plusieurs centaines de milliers d’années pour passer du volume “de 700-800 cm cube à des masses beaucoup plus importantes, comme chez l’homme de Néandertal et Cro-Magnon, jusqu’à atteindre 1500-1600 cm cube”, pointe le paléontologue Pascal Picq.

3. Cerveau et ventre partageraient les mêmes maladies

C’est l’étonnante conclusion de récentes recherches. Des médecins ont découvert que la maladie de Parkinson se manifestait précocement à travers plusieurs lésions au niveau des neurones… du tube digestif. Les mêmes que l’on retrouvera, plus tard dans le cours de la maladie, dans le cerveau. Une analyse gastrique permettrait ainsi de diagnostiquer la maladie bien avant qu’elle ne se manifeste sur le plan moteur – et donc, de mieux la prendre en charge.

Le principe selon lequel le ventre serait une “fenêtre ouvert” sur le cerveau pourrait-il être appliqué à d’autres maladies dégénératives telles qu’Alzheimer ? Voire à des troubles neurocomportementaux, ou psychiatriques ? Beaucoup d’experts l’espèrent. Certains mettent déjà l’idée en pratique.

4. Soigner la dépression avec l’acupuncture abdominale : et pourquoi pas ?

On l’aura compris, les mécaniques d’influence entre cerveau et ventre demeurent un champ d’investigation en friche. Une terre nimbée de mystères qu’explore Bo Zhiyun, docteur à l’hôpital de Canton. Ce praticien a donné naissance à l’acupuncture abdominale en traitant, un peu par hasard, un cas de sciatique aiguë grâce à des points de pressions sur le ventre.

Depuis, il a étendu sa pratique et postulé tout un système d’interaction entre ventre et cortex axé autour du nombril, plaque tournante de la “coordination du corps”, à l’en croire. À partir de ses hypothèses, Bo Zhiyun soigne plusieurs pathologies traditionnellement associées au cerveau grâce à l’acupuncture abdominale. Ainsi de la dépression, dont il est sans doute l’un des seuls thérapeutes au monde à supposer qu’elle trouve sa source… au niveau du ventre.

5. Notre bide abrite l’écosystème (bactérien) le plus dense au monde

Ça fait crade dit comme ça. Mais c’est pour la bonne cause. Au total 100 000 milliards de bactéries fourmillent dans notre tube digestif. Autrement présenté, chacun de nous abrite 1 000 fois plus de bactéries dans son bide qu’il n’y a d’étoiles dans notre galaxie. Yes. Ça donne le vertige.

Cet écosystème appelé “microbiote intestinal” n’est rien de moins que le plus dense de la planète. Et a pour fonction de faciliter la digestion. Des experts l’ont récemment divisé en trois catégories “d’entérotypes” qui détermineraient notre capacité à convertir la nourriture en énergie. Mais pas que. À partir d’expérimentations menées sur des souris, plusieurs chercheurs ont démontré qu’à certains microbiotes intestinaux étaient associés des comportements spécifiques, tels que l’agressivité.

De là à affirmer que cet écosystème détermine en partie au moins nos traits de personnalités, il n’y a qu’un pas que plusieurs intervenants du docu n’hésitent pas à franchir. La piste d’un “troisième cerveau”, résultant de l’interaction entre plusieurs milliers de milliards de bactéries au répertoire génétique propre, hérité d’ancêtres immémoriaux ? Ça y ressemble fort.