“Tu es ce que tu manges”, avait pour habitude de dire ma grand-mère. J’ai longtemps cru qu’il s’agissait d’une punchline sans fondement, dégainée pour m’inciter à manger healthy. Mais la science pourrait bien donner à l’adage de mon aïeule valeur de vérité. C’est tout le propos de Bien nourrir son cerveau. Un documentaire signé Raphaël Hitier, qui explore les liens insoupçonnés entre régimes alimentaires et habitudes comportementales.
Voilà plusieurs décennies que nous savons que hamburgers, frites et autres snacks malmènent nos corps (diabète, obésité…) – mais qu’en est-il du cerveau ? Ce qui se passe dans notre tête pourrait bien être étroitement lié à ce qui circule dans nos ventres. Au point que mémoire et santé mentale seraient à la merci d’une gorgée de milk-shakes ? Éléments de réponse.
1. Impact ravageur durant la gestation… et post-gestation
Chacun sait que le cerveau du nouveau-né se forme durant la grossesse. Moins connue est l’influence de l’alimentation des mères enceintes sur le développement comportemental de l’enfant à venir. Pour explorer ce lien, la docteure Felice Jacka a suivi l’évolution émotionnelle d’enfants, de leur naissance jusqu’à leurs cinq ans. Les mères d’une partie d’entre eux mangeaient exclusivement de la junk food durant leurs grossesses, d’autres non. Et le résultat est sans appel :
“Les mères dont l’alimentation pendant la grossesse se limite à des produits transformés, des boissons sucrées et des snacks salés ont des enfants plus susceptibles d’être agressifs, colériques, capricieux.”
Et cette désastreuse corrélation s’étend durant la petite enfance. Un régime saturé en sucre et en mauvaises graisses participerait, aussi, au raz-de-marée de comportements moroses et impulsifs.
2. Carence en oméga 3 : l’ennemi public
Afin d’expliquer l’influence néfaste de la malbouffe sur nos comportements, la docteure Sophie Layé suggère des apports insuffisants en oméga 3 – des acides gras essentiels au fonctionnement harmonieux du cerveau que l’on retrouve surtout dans le poisson, l’huile de colza et les noix. Autant de produits qui se sont raréfiés dans le régime occidental, au profit d’aliments dépourvus de protéines, et gorgés de sucre.
Selon l’experte, c’est bien simple, “la population générale est carencée en oméga 3”. Sans l’assimilation de ces précieux acides, chargés de booster les propriétés électriques de la zone grise, la connectivité entre nos neurones s’appauvrit. Grosso modo, ça “bugue”. Et nous rend plus enclins au stress, à l’irritation.
3. Manger vert pour réduire la criminalité ?
La corrélation entre mauvaise alimentation et comportements agressifs semble établie durant l’enfance. Reste à savoir si cette liaison dangereuse se poursuit, une fois à l’âge adulte. Le psychologue clinicien Ap Zaalberg s’est penché sur le sujet en enquêtant… en prison. La méthode ? Ausculter l’impact d’une modification du régime alimentaire sur les détenus.
L’expert a observé qu’un régime sain (enrichi en minéraux, protéines et acides gras) réduisait les comportements violents des condamnés. D’un tiers en moyenne, tout de même. De là à imaginer qu’un changement d’alimentation à l’échelle globale permette d’amoindrir la criminalité ? L’idée frise a priori le délire ingénu. Mais pourrait bien avoir de solides assises scientifiques.
4. La malbouffe malmènerait notre mémoire
C’est l’une des conclusions chocs du documentaire établie, notamment, par Margaret Morris. Dans son laboratoire, cette professeure en pharmacologie nourrit certaines de ses souris d’aliments-catastrophe sur le plan nutritionnel. Quiches transformées, biscuits, gâteaux… Ce qu’on retrouve parfois quotidiennement dans nos assiettes, quoi.
Les spécimens exclusivement soumis à ce régime développent plusieurs troubles. Primo, comparativement aux cobayes à l’alimentation saine, ils doublent leurs rations. Comme s’ils n’étaient jamais rassasiés. Secondo – et c’est plus grave –, leur mémoire défaille. Selon la scientifique, pas de doute possible : la junk food saboterait l’activité de l’hippocampe, cette zone du cortex cérébral au rôle central dans le bon fonctionnement de la mémoire.
5. Vers des thérapies à coups d’aubergine, de curcuma, et d’huile d’olive
La junk food nous rend agressifs et anxieux, c’est entendu. Dès lors, il n’y a plus rien d’absurde à envisager que la transformation des habitudes alimentaires puisse devenir un outil inestimable pour bichonner notre santé mentale. Épices, légumes… Un arsenal éventuellement salvateur, car bourré d’éléments nutritifs aux vertus feel good. Démonstration avec une enquête menée sur 67 personnes souffrant de dépression sévère, dont la professeure Felice Jacka raconte le déroulé :
“Ces personnes ont reçu un suivi de diététicien. Au bout de 3 mois, on a étudié l’évolution de leurs symptômes. Il s’est avéré que l’amélioration de la dépression était corrélée au changement de l’alimentation : ceux qui ont adopté au mieux le régime méditerranéen sont ceux dont les symptômes ont le plus reculé.”
Par “régime méditerranéen”, la psychiatre désigne une alimentation riche en huile d’olive et légumineuses du type haricots ou pois chiche. Plusieurs épices orientales telles que le curcuma ainsi que les fruits rouges figurent également dans le top des aliments dopant la bonne humeur.
Les recherches en matière de bienfaits sur le comportement prodigués par ces produits n’en sont qu’à leurs prémices – mais on en sait déjà assez pour leur réserver une place de choix dans notre assiette, non ? Allez, bye les frites, bye les churros. Sans regrets.