La fermeture des musées et le confinement forcé à travers le monde ont eu de sérieuses conséquences sur le monde de l’art. Comme une réflexion sur ce secteur mis à mal, le statut de l’artiste et ce que signifie la propriété en 2020, la musicienne Grimes a mis aux enchères “une partie de son âme”, le temps de son exposition au sein de la galerie Maccarone à Los Angeles.
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L’événement, sous forme de rétrospective, retrace dix ans de pratique artistique et rassemble des dessins, des photographies et des vidéos. À l’image de ses créations musicales, l’univers pictural de Grimes (Claire Boucher dans le civil) est énigmatique, extravagant et assez mystique, infusé “de fantastique, de mangas et d’animés, de science-fiction, de prédictions apocalyptiques et de mode anachronique”.
© Grimes/Galerie Maccarone
C’est ce penchant pour l’ésotérisme qui l’a poussée à mettre en vente un pourcentage de son âme au nom de l’art, sous la forme d’un contrat intitulé “Selling Out” : “Au début, je voulais que personne ne l’achète, donc j’ai placé la mise à prix à dix millions de dollars en me disant que ça ne se vendrait pas”, a-t-elle détaillé auprès de Bloomberg.
En travaillant sur l’aspect légal du document avec son avocat, la chanteuse affirme que “plus [elle] travaillait le sujet et plus il devenait philosophique et intéressant” : “De plus, je voulais vraiment collaborer avec mon avocat sur un projet artistique. L’idée d’art fantastique sous la forme de documents légaux est pour moi très intrigant.”
La récession mondiale induite par l’épidémie du Covid-19 a poussé la jeune femme a modifié la mise à prix de “Selling Out” : “Étant donné la situation du monde, veut-on vraiment mettre en vente quelque chose à dix millions de dollars ?” C’est donc au plus offrant·e que reviendra cette possession immatérielle, ce lien invisible, presque inexistant, et néanmoins doté d’une immense signification, qui en ferait douter plus d’un·e à l’idée de faire la même chose.
© Grimes/Galerie Maccarone
L’intégrité de l’artiste en question
La galerie précise que cette vente “formalise l’idée qu’à chaque fois qu’un artiste vend une œuvre d’art, il vend une partie de son âme en même temps”. L’œuvre questionne les rouages de l’art contemporain ainsi que la tension entre l’impossibilité, pour l’artiste à succès, de faire preuve d’intégrité et, au contraire, le don ultime de soi dont il fait preuve.
En philosophie, on considère qu’une œuvre a un·e auteur·rice mais pas de maître et qu’elle appartient donc à tou·te·s. En mettant en vente une partie de son âme, Grimes permet à un·e volontaire de la posséder tout en l’offrant au domaine public, puisqu’elle en fait une œuvre. La démarche peut sembler loufoque ; elle soulève toutefois nombre d’interrogations concernant l’art et l’appartenance, à une époque où nos informations (et donc une partie de nous-mêmes ?) sont constamment vendues à des tiers.
© Grimes/Galerie Maccarone
© Grimes/Galerie Maccarone