Arrivé à New York en 2018, Nicolas Miller est tombé dans le giron de la photographie quelques mois après son installation outre-Atlantique. “L’ambiance Gotham de la ville, particulièrement la nuit, dans des conditions maussades” l’a convaincu de montrer la ville sous un angle plus sombre et mélancolique que les images touristiques habituellement associées à la Grosse Pomme. Après ses journées de travail, le Français s’est mis à immortaliser les rues de sa nouvelle ville à la nuit tombée :
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“Dès le début, j’ai été particulièrement attiré par la photographie de nuit. D’une part parce que, travaillant en grande partie durant la journée, je ne pouvais prendre des photos que la nuit, notamment en hiver.
D’autre part, car ce n’est pas le côté touristique de la ville qui m’intéresse, mais sa face sombre. Plutôt que de photographier les spots les plus connus de la ville, j’aime me balader dans des quartiers peu fréquentés par les photographes (notamment dans le Queens et Brooklyn) à des heures tardives. Mes conditions préférées pour shooter sont celles qui pourraient sembler les pires pour le commun des mortels : tempêtes de neige ou de pluie et brouillard épais”, nous confie-t-il.
© Nicolas Miller
Lors de ses expéditions nocturnes, le photographe cherche à dévoiler les facettes méconnues de New York. À travers son objectif, la célèbre plage et le parc d’attractions de Coney Island, “fréquentés par les familles américaines les journées d’été”, révèlent par exemple “un visage complètement différent la nuit, beaucoup plus sombre et même parfois dangereux”.
Pour capter ces fugaces métamorphoses, Nicolas Miller choisit les heures les plus noires. Sa série sur Coney Island a ainsi été réalisée “en pleine semaine, entre minuit et quatre heures du matin, deux nuits d’affilée”.
© Nicolas Miller
New York la nuit, comme dans un film
Vidées de leurs foules diurnes, les rues de New York deviennent le théâtre de tous les possibles, surtout les plus inquiétants, et donnent à Nicolas Miller l’occasion de les transformer en magistrales scènes de films. Ses inspirations cinématographiques visent à accomplir son objectif principal : “Transporter mon audience dans un autre univers, plus sombre.”
“Je suis un grand fan du genre néo-noir, notamment des films ayant lieu dans le New York sombre et sale des années 1970 et 1980. C’est cette ambiance que j’essaie de retranscrire dans mes photos. Parmi mes références, se trouvent des films comme ‘Taxi Driver’, ‘King of New York’, ‘The French Connection’ ou, plus récemment, la saga des ‘John Wick’ et ‘Joker’. Sans oublier les ‘Blade Runner’, dont la cinématographie a eu une influence majeure sur mon style, notamment sur la façon dont je traite les couleurs.”
© Nicolas Miller
Et la couleur a une place prépondérante dans le travail de Nicolas Miller. Dans l’obscurité de ses images se détachent les lumières colorées propres à la vie citadine – des couleurs qui lui permettent d’“apporter du contraste et de la profondeur à [ses] photos”, souligne-t-il.
Seul avec son appareil, l’artiste explore les rues new-yorkaises en suivant ses couleurs, les laissant accrocher son œil : “Au lieu de tenter de forcer mes photos vers une couleur précise, je me laisse guider par les couleurs et les éléments déjà présents, et je joue avec jusqu’à ce que je sois content du résultat. Je ne cherche pas à suivre des règles précises, je préfère laisser parler la créativité.”
© Nicolas Miller
Une perte de repères magistralement orchestrée
Feux tricolores, lampadaires et phares automobiles diffusent leurs lueurs teintées avec quiétude, transperçant la brume et offrant un peu de réconfort aux sujets qui traversent ses photos. La présence de ces silhouettes anonymes ajoute aux scènes “un côté mystérieux” ainsi qu’une “qualité intemporelle”, permise par le flou des visages et des vêtements. Souvent seules, les silhouettes mettent en exergue la petitesse de l’être humain face au gigantisme de la ville et de ses bâtiments, rappelait-il à My Modern Met.
Cette attention apportée à l’échelle lui permet également d’aborder un versant plus psychologique de la vie urbaine (en accord avec son amour pour les films néo-noirs), celle de “la solitude ressentie par beaucoup de gens malgré le fait qu’ils vivent dans des villes peuplées de millions d’autres personnes”. L’angoisse qui enveloppe son travail est double, touchant autant l’insécurité physique que la détresse mentale.
Avec ses images, Nicolas Miller fait plus que nous embarquer dans des explorations nocturnes, il nous immerge dans son univers, son regard et son imagination. Chaque photographie devient une porte ouverte vers un récit sibyllin, où les repères temporels et géographiques viennent à manquer, pour un lâcher-prise total.
© Nicolas Miller
© Nicolas Miller
© Nicolas Miller
© Nicolas Miller
© Nicolas Miller
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© Nicolas Miller
© Nicolas Miller
© Nicolas Miller
Vous pouvez retrouver le travail de Nicolas Miller sur son compte Instagram.