En visitant l’exposition “Street Noise”, présentant plus de 130 œuvres street art dans la galerie du Lotte World Mall de Séoul, un couple est tombé nez à nez avec une large toile couverte de traînées de peinture colorées, comme un clin d’œil à l’expressionnisme abstrait de Jackson Pollock.
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Voyant au pied de l’œuvre différents pots de peinture, brosses et pinceaux, le couple a cru observer une œuvre participative. Pas de chance, il était déjà trop tard lorsqu’on leur a expliqué que les outils installés “faisaient partie de l’œuvre” et n’étaient pas du tout à disposition du public, tel que le souligne Reuters.
Apparemment enthousiaste, le couple a peint trois épaisses traces vert foncé sur la toile, estimée entre 400 000 et 650 000 dollars (entre 340 000 et 550 000 euros). Réalisée lors d’une performance publique à Séoul en 2016, la peinture est l’œuvre du street artiste JonOne, John Andrew Perello dans le civil.
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Retrouvé grâce à des caméras de surveillance, le couple a plaidé, désolé, sa bonne foi et a été relâché par la police. De son côté, JonOne a exprimé toute sa “déception” et sa “colère” auprès du New York Times, affirmant que “l’art devrait être religieux. On ne peint pas dans une église”, et que son travail devrait retrouver sa forme originelle. Pourtant, d’autres voix s’élèvent contre la restauration de l’œuvre. Ces dernières arguent que “l’accident” a donné un sacré coup de projecteur à l’œuvre et fait désormais partie de son histoire.
L’art contemporain dans le viseur
Le malentendu relance un débat vieux comme le monde concernant l’art contemporain et la pertinence de figer une œuvre de street art au musée. Un galeriste de Zurich, spécialisé dans le graffiti et admirateur de l’œuvre de JonOne, a confié au New York Times que le travail de ce dernier générait souvent de “fortes réactions”. “Certains sont dans l’adoration totale tandis que d’autres pensent qu’un enfant pourrait faire mieux. Évidemment, j’appartiens à la première catégorie.”
Kang Wook, un des organisateurs de “Street Noise”, a affirmé qu’une décision concernant la restauration, ou non, de l’œuvre serait prise avant la fin de l’exposition, le 13 juin 2021. Ce travail coûterait 9 000 dollars et pourrait être partiellement pris en charge par le couple fautif, selon les assurances. En attendant, il semblerait que la toile soit devenue la coqueluche de la galerie, nombre de personnes se pressant pour se prendre en photo devant elle.
Édit du 23/04/2021 : JonOne a récemment raconté à Vice avoir changé d’opinion vis-à-vis de l’altération de son œuvre. D’abord médusé (“Qu’est-ce que c’est que cette merde ?”, se souvient-il avoir pensé en entendant la nouvelle), l’artiste a fini par saluer l’engouement créé, accidentellement, par le couple :
“Avec trois coups de pinceau sur ma toile, ils ont fait un buzz planétaire ?!? C’est fort, ça. Ça m’a fait penser au fait qu’on soit tous si étroitement liés les uns aux autres dans le monde d’aujourd’hui et j’espère que j’aurais un jour la chance de boire un thé avec eux.”
“Street Noise” est visible à la galerie P/O/S/T du Lotte World Mall de Séoul jusqu’au 13 juin 2021.