Catherine Hutin-Blay, belle-fille de Picasso et fille de sa seconde épouse Jacqueline Roque, possède une impressionnante collection de plus de 2 000 œuvres réalisées par le célèbre peintre. L’héritière était en bonne voie pour trouver un nouveau logis à ces travaux : elle était sur le point d’acquérir l’ancien couvent des prêcheurs, un bâtiment classé du XIIIe siècle situé au cœur du centre historique d’Aix-en-Provence.
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La collectionneuse devait débourser 11,5 millions d’euros pour ce lieu qui en valait 12,6. La ville avait accepté d’en baisser le prix au vu des retombées économiques que devait apporter le projet – qui aurait été à même d’attirer entre 450 000 et 500 000 visiteur·se·s par an. Elle souhaitait y exposer plus de 2 000 travaux (des peintures mais aussi des sculptures, des photographies, des dessins ou encore des céramiques) de son beau-père, souvent liés à sa mère et pour la plupart inédits, réalisés entre 1952 et 1973, rapportait Art critique en 2019.
Un projet d’ouverture colossal
Le collège des Prêcheurs d’Aix devait abriter le musée. (© Ville d’Aix-en-Provence)
1 000 mètres carrés devaient abriter une exposition permanente, 500 mètres carrés devaient accueillir des expositions temporaires et l’aménagement d’un auditorium de 200 places était également prévu, afin d’organiser des conférences sur l’art et sur l’œuvre du peintre espagnol.
“Cela m’a pris beaucoup de temps pour payer les droits de succession, confiait Catherine Hutin-Blay il y a deux ans. Depuis le début, je n’ai jamais cessé de prêter et de faire voyager les œuvres. C’est la mission que je me suis donnée. Ma vocation n’est pas économique, je n’essaie pas de faire de l’argent, mais plutôt de partager ce que j’ai reçu.”
C’est finalement un point du contrat, imposé par la ville d’Aix-en-Provence, qui a mis un terme à cette volonté de partage. Il était stipulé qu’une fois acheté, le site devait rester un musée pendant au moins quinze ans (en incluant les cinq années de rénovations prévues), afin de justifier sa vente et la baisse du prix, et s’assurer des retombées économiques et touristiques du projet dans un “lieu stratégique pour la ville”.
Problème de clause
“Jacqueline aux bras croisés”, 1954. (© Pablo Picasso/Flickr)
Le 9 septembre dernier, la maire d’Aix-en-Provence, Maryse Joissains Masini, s’est fendue d’une publication pour le moins agacée sur son compte Facebook, précisant que cette “clause d’affection” n’était pas nouvelle :
“Nous devions obtenir cette garantie. C’est cette dernière clause que Catherine Hutin a refusé d’intégrer au compromis de vente alors même qu’elle l’avait initialement acceptée. Nous ne pouvions pas prendre le risque que ce lieu change de destination ou soit revendu rapidement.
Ces exigences d’affectation sont d’ailleurs habituelles dans des cessions de cette nature, puisqu’elles garantissent que l’intérêt général, qui a justifié une minoration du prix de cession par rapport à l’évaluation domaniale, soit préservé dans le temps.
Cette clause d’affectation figurait d’ailleurs dans le compromis de vente lors de la cession de l’ancien conservatoire pour l’espace culturel Caumont. Cela faisait quelques mois que nous trébuchions sur cette clause d’affectation de quinze ans. Je ne peux que constater que les intérêts de la collectivité ne peuvent être sécurisés sans elle. J’en suis désolée car il s’agit d’un lieu stratégique pour la ville.
Cependant, si Catherine Hutin acceptait de signer le compromis avec la clause d’affectation et présentait une liste non exhaustive des œuvres de Pablo Picasso qui pourraient être exposées dans ce lieu culturel, c’est avec plaisir que nous relancerions ce très beau projet. En ma qualité de maire, j’ai besoin, au nom des Aixois, de garanties destinées à préserver l’intérêt général local.”
Si Catherine Hutin-Blay n’exposera pas sa riche collection à Aix-en-Provence, peut-être trouvera-t-elle un autre lieu, cher à sa mère et son beau-père, afin de mener à bien son projet d’envergure en hommage à l’un des peintres phares du XXe siècle.