La lumière du Sud a changé leur regard : 70 œuvres de peintres dont Picasso, Renoir ou Signac sont présentées à Hyères pour l’exposition inaugurale “Face au soleil” d’un nouveau musée installé dans une ex-succursale de la Banque de France. “En sommeil depuis plus de vingt ans, le musée d’Hyères créé en 1883 va enfin renaître de ses cendres à la lumière d’un site digne d’un musée de France”, s’enorgueillit Jean-Pierre Giran, maire de cette ville de 60 000 habitant·e·s, qui fut, avant Cannes et Nice, un haut lieu de villégiature sur les bords de la Méditerranée.
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Acquise par la mairie en 2004, la bâtisse de 2 188 mètres carrés d’inspiration néoclassique a été transformée pour près de six millions d’euros, sous la houlette de l’architecte en chef des monuments historiques Alain-Charles Perrot, en un véritable lieu d’exposition propre à satisfaire le public.
Grandes baies, hauts plafonds, escaliers en bois et rampes d’acier, balcons ciselés, vitraux colorés, patio couvert et grande terrasse, l’outil culturel possède déjà 8 000 œuvres dans ses réserves accumulées au fil du temps, notamment grâce à Emmanuel-Charles Bénézit, peintre et historien de l’art, dont le père, Emmanuel, auteur d’un dictionnaire artistique de référence, fut proche des peintres Van Gogh, Pissaro et Sisley.
Puisant dans ce fonds, “La Banque, musée des cultures et du paysage”, a choisi d’exposer pour trois ans à son premier étage quelque 200 œuvres exprimant l’histoire d’Hyères et de ses paysages sur deux millénaires. Les toiles entraînent le public des salins à la presqu’île de Giens mais aussi à travers l’histoire de la ville, de la colonie grecque d’Olbia fondée par Massalia (Marseille) jusqu’au XVIIIe siècle.
“Miniature de Picasso à 14 ans”
Au sous-sol, les architectes ont conservé les anciennes salles des coffres de la Banque, espace atypique pouvant servir d’extension aux expositions, de lieu de consultation de documentation numérique ou d’archivage. Mais, c’est au rez-de-chaussée du bâtiment que seront installées les expositions temporaires qui feront vivre le musée. Pour son lancement, la ville a fait appel à l’historien de l’art, Dominique Lobstein.
“Mon idée a été de confronter le travail, entre 1850 et 1950, d’artistes locaux à celui d’artistes, souvent parisiens, venus s’installer ou séjourner dans la région après l’ouverture de la ligne Paris-Lyon-Marseille dans les années 1850. Ce train va permettre à ces derniers de découvrir la lumière du sud”, explique le commissaire de l’exposition qui durera jusqu’au 27 mars 2022.
“Si au début, ils n’en font rien, petit à petit, beaucoup vont intégrer une nouvelle manière de peindre. Après l’apparition de la photographie, certains vont s’éloigner de la représentation naturaliste au profit d’un travail plus inventif, déstructuré où la lumière va exister dans les couleurs et la manière de les juxtaposer”, explique-t-il.
Prêtés par le Louvre, le musée d’Orsay, le Centre Pompidou ou par des collectionneur·se·s, près de 70 œuvres viennent illustrer cette évolution du regard des peintres sous la lumière du Midi. Parmi les œuvres des artistes les plus connu·e·s, figurent deux Picasso dont l’un, une miniature représentant le port de Valence, a été peint lorsqu’il n’avait que 14 ans. Figurent également des toiles d’Eugène Boudin, Pierre Bonnard, Paul Signac, Auguste Renoir, Raoul Dufy, Francis Picabia ou encore Marc Chagall.
Parmi les artistes locaux exposés, Paul Guigou, Émile Loubron ou Prosper Grésy, certains n’ont jamais quitté leur région mais d’autres ont fait carrière à Paris où la lumière qui inonde leur toile a intrigué critiques et peintres. À la fin du XIXe siècle et sur les traces de Paul Signac et d’Auguste Renoir, les rivages de la Méditerranée deviendront un laboratoire d’expérimentation plastique de l’art moderne.
Avec AFP.