Les vendanges 2022, qui ont déjà commencé dans l’Hérault ou en Haute-Corse, s’annoncent une nouvelle fois précoces, placées sous le signe d’une sécheresse historique qui pourrait entamer le potentiel d’un millésime annoncé prometteur. Dans de nombreux bassins viticoles du pays, les fortes chaleurs accélèrent la maturation du raisin et contraignent à avancer les récoltes d’une à trois semaines, quelques vignerons du Languedoc-Roussillon ayant donné les premiers coups de sécateur fin juillet.
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François Capdellayre, président de la cave coopérative Dom Brial à Baixas (Pyrénées-Orientales), a dû sortir ses outils le 3 août dans la précipitation. “On a tous été un peu surpris, la maturité a évolué très rapidement sur les derniers jours”, reconnaît le vigneron, qui a commencé le 3 août avec le muscat, suivi du chardonnay et du grenache blanc.
“En plus de trente ans, je n’ai jamais commencé mes vendanges le 9 août”, s’étonne aussi Jérôme Despey, vigneron dans l’Hérault et secrétaire général du syndicat agricole FNSEA. La canicule a aussi accentué les effets de la sécheresse exceptionnelle en cours : même si elle est résistante, capable de puiser de l’eau avec ses racines profondes, la vigne souffre jusque dans des régions comme le Centre ou le Valoir.
Lorsqu’elle manque d’eau, elle se dessèche, se bloque : le “stress hydrique” lui fait perdre ses feuilles et elle cesse de nourrir ses grappes et ses baies, dont la taille diminue. Quand la température dépasse en plus les 38 degrés, le raisin “brûle, il est sec, il perd du volume et de la qualité”, la chaleur faisant monter le degré d’alcool à un niveau “trop élevé pour les consommateurs”, explique Pierre Champetier, président de l’IGP d’Ardèche.
Ce vigneron a déjà commencé sa récolte lundi, alors “qu’il y a quarante ans, on vendangeait autour du 20 septembre”, s’étrangle-t-il, regrettant que le réchauffement climatique rende cette précocité “normale”.
Millésime de qualité
Les dates ne sont pas encore arrêtées partout, et certains raisins, comme ceux des vins rouges de l’Hérault, devraient être récoltés comme d’habitude début septembre. La situation peut évoluer d’un jour à l’autre en fonction de la pluie, préservant l’espoir de belles récoltes. En Bourgogne, le record de précocité du 16 août 2020 – qui avait lui-même battu celui remontant à 1 556 – ne devrait pas être dépassé à Beaune. Les premières caves, celles de Saône-et-Loire, prévoient de commencer autour du 25 août.
Dans la Vallée du Rhône, la canicule “a engendré une avance de maturité de plus de vingt jours par rapport à l’an dernier”, indique l’interprofession Inter-Rhône, qui assure toutefois que la qualité du vin sera au rendez-vous. Même espoir pour le Comité Champagne (CIVC), qui prévoit de démarrer dans les dix derniers jours d’août et affiche sa confiance dans la qualité du millésime, les pertes dues aux gelées et à la grêle n’ayant entamé que 9 % du potentiel de récolte.
Les premiers coups de sécateurs pour les crémants de Bordeaux seront donnés le 17 août. Cette production, quasi confidentielle en bordelais où elle représente 1 % de la production de vin, ouvre traditionnellement le bal dans la région. Suivront à la fin du mois “les blancs secs, les blancs liquoreux et enfin le rouge”, égrène Christophe Château du Conseil Interprofessionnel du vin de Bordeaux (CIVB), avec une date qui devrait pouvoir être fixée “la semaine prochaine”.
En Alsace, où il n’a pas plu “une goutte depuis deux mois”, “on aura une très, très petite récolte”, regrette Gilles Ehrhart, président de l’association des viticulteurs d’Alsace (AVA), qui prévoit de donner le coup d’envoi autour du 26 août.
En attendant l’orage
Au 1er août, le service statistique du ministère de l’Agriculture, l’Agreste, a estimé entre 42,6 et 45,6 millions d’hectolitres la production 2022 – en hausse de 13 à 21 % par rapport à la faible récolte 2021, marquée par un gel printanier désastreux. Cette première évaluation, proche de la moyenne quinquennale, reste “à affiner” avec la sécheresse, prévient l’Agreste.
Année après année, les vignerons subissent les à-coups du changement climatique : la grêle de juin a détruit 15 % des surfaces viticoles des Charentes, selon l’Agreste, et le gel a causé des pertes allant jusqu’à “40 %” sur certaines parcelles en Alsace. Grâce à l’irrigation, développée sur environ 10 % des surfaces viticoles en France, certains vignobles n’ont par chance “pas eu de choc hydrique”, comme celui des Costières de Nîmes, se félicite Aurélie Pujol, directrice de l’AOC.
Maigre soulagement, en Alsace : les raisins devraient être “très sains, sans pourriture”, souligne l’association des viticulteurs. Tout le contraire de l’année dernière où pluies et mildiou avaient gâché la saison, dit Pascal Doquet, président de l’association des champagnes bio. Pour les cépages plus tardifs (grenache, cabernet), reste encore l’espoir d’avoir de la pluie pour faire grossir les raisins. Des orages sont attendus ce week-end sur toute la France, mais ce ne sera sûrement “pas assez” pour préserver le “joli millésime”, craint le CIVB.
Konbini avec AFP