J’ai 20 ans. Des capacités intellectuelles indéniables, je suis jeune, motivée et dynamique, d’une ambition et détermination sans bornes, d’une sincérité réelle et d’un sens de l’éthique inébranlable. Mais voilà, je ne trouve pas de travail. Je suis disponible, toute la semaine, les jours fériés, les jours de fête, avec une flexibilité d’horaires manifeste.
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Mais encore une fois, je ne trouve pas de travail. Je suis disposée à me former, à apprendre, redoubler d’efforts et à sortir de ma zone de confort. Ah, et oui je fais des rimes, mais je ne trouve cependant pas de travail. Je suis marocaine, banlieusarde, musulmane, voilée, fière et brillante, et je ne trouve pas de travail.
Pour moi, voilée, la réponse n’est jamais positive
Chercher du travail pour une personne lambda, c’est préparer sa candidature, postuler, aller aux entretiens si le profil correspond, et avoir une réponse. Pour moi, voilée, c’est exactement la même chose à un détail près, la réponse n’est jamais positive.
Et cela sans jamais, au grand jamais, tomber dans un discours de victime, c’est juste un fait, un triste fait. En réalité, je ne suis pas une victime, car je ne cède pas, à ce qui est parfois ou souvent une injustice.
Alors comment ça se passe concrètement ? On m’appelle, on discute de mon profil, mon profil correspond et l’entretien téléphonique se passe bien, alors on prépare un contrat. Et bizarrement, lorsque j’arrive sur place, rien ne va plus. Les compétences ne sont plus adaptées, je n’ai finalement pas l’expérience nécessaire, ou de nouvelles modalités s’ajoutent aux conditions d’emploi.
C’est assez spécial, d’arriver pour un entretien ou pour signer un contrat et qu’un simple voile puisse mettre à ce point mal à l’aise… C’est là que commencent la symphonie des murmures et les regards qui en disent long. Je pars, moi, toujours du principe que ce voile, qui est un choix, n’est en rien un frein à ma volonté de travailler, je me comporte donc toujours très naturellement, comme si de rien n’était, car finalement “rien n’est”.
Comment se fait-il que je ne trouve rien ?
J’ai aujourd’hui à mon palmarès une cinquantaine de candidatures, donc un à quatre entretiens par semaine. Je prends toujours le temps d’adapter ma lettre de motivation et de l’écrire sincèrement, et je postule seulement lorsque je me suis renseignée sur l’entreprise et que sa politique et sa fonctionnement me plaisent et me correspondent. Cela pour être sûre de faire mon travail correctement et c’est très important pour moi de toujours bien faire ce que j’entreprends.
Je prends à témoin les dizaines de lettres de motivation dans mes fichiers d’ordinateur, ainsi que les centaines d’accusés de réception de candidatures dans ma boîte mail.
J’aimerais alors que l’on m’explique comment cela se fait-il que je ne trouve rien ? Est-ce que ce sont seulement de récurrentes mauvaises coïncidences ou à cause de mon goût un peu trop prononcé pour le tissu ?
Je tiens tout de même à dire merci, merci de me fermer la porte de vos petits postes dans vos petites entreprises, cela m’encourage à frapper aux portes les plus prestigieuses et fascinantes, avec la certitude que l’une d’entre elles s’ouvrira un jour.
Je suis énormément de choses, d’incroyables choses, et ça n’est pas mon voile qui vous empêche de le voir. C’est le vôtre.
Signé : La voilée.
Ouassila, 20 ans, en recherche d’emploi, Le Bourget
Ce témoignage provient des ateliers d’écriture menés par la ZEP (la Zone d’Expression Prioritaire), un média d’accompagnement à l’expression des jeunes de 15 à 25 ans, qui témoignent de leur quotidien comme de toute l’actualité qui les concerne.